Les désordres affectant un carrelage collé sur une chape et des cloisons de plaques de plâtre, lesquels sont des éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage, dès lors que leur dépose et leur remplacement peut être effectué sans détérioration, et rendant l’ouvrage impropre à sa destination, ne relèvent de la responsabilité décennale des constructeurs que lorsqu’ils trouvent leur siège dans un élément d’équipement au sens de l’article 1792-3 du code civil, c’est-à-dire, destiné à fonctionner.
Par cet arrêt, la Cour de cassation, qui l’avait déjà suggéré dans un arrêt du 13 février 2020 (Cass. Civ.3ème, 13 février 2020, n° de pourvoi 19-10.249, publié) réduit l’impact de sa jurisprudence déjà bien établie sur les désordres affectant les éléments d’équipements et rendant l’ouvrage impropre à sa destination dans son entier…
Rappel des faits et de la procédure :
Monsieur et Madame [Y] ont acquis de Monsieur et Madame [R] une maison d’habitation sur laquelle ces derniers avaient réalisé des travaux de rénovation en 2006.
En l’occurrence, les époux [R] avaient effectué sans l’aide d’un maître d’œuvre des travaux de carrelage sur une chape existante et la pose de cloisons.
L’expert judiciaire a conclu dans son rapport que les désordres constatés affectaient l’habitation d’une humidité anormalement élevée et détérioraient les embellissements.
De sorte que la Cour d’appel comme les juges de première instance ont conclu, en se fondant sur la jurisprudence déjà bien établie de la Cour de cassation, selon laquelle, les désordres affectant les éléments d’équipement dissociables ou non, d’origine ou installés sur l’existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (3ème Ch. Civ. 15 janvier 2017, pourvoi n°16-19.640, Bull.2017, III, n°71 ; 3ème Civ. 14 septembre 2017, pourvoi n°16-17.323, Bull.2017, III, n°100 ; 3ème Civ., 26 octobre 2017, n°16-18.120, Bull.2017, III, n°119 ; 3ème Civ., 7 mars 2019, pourvoi n°18-11.741).
Question :
Est-il possible d’engager la responsabilité des constructeurs ou celui qui est réputé constructeur pour un carrelage ou une cloison adjointe à l’existant au motif que la gravité du désordre affecterait l’ensemble de l’ouvrage le rendant impropre à sa destination ?
L’un des arguments invoqués par le pourvoi formé par les époux R consistait à se fonder sur le critère « classique » de l’importance des travaux de rénovation réalisés :
« Alors que le vendeur d’un immeuble qui a procédé à des travaux de rénovation ne peut avoir la qualité de constructeur, et par conséquent être déclaré responsable envers les acquéreurs des désordres affectant cet immeuble sur le fondement de la garantie décennale, que dans l’hypothèse où l’importance des travaux réalisés les assimile à des travaux de construction d’un ouvrage ;
Qu’en l’espèce, la cour d’appel a retenu que la garantie décennale était due par les époux [R] dès lors que les dommages affectant le carrelage et les cloisons en placoplâtre installés par eux sur la dalle défaillante, dissociables de l’ouvrage, rendaient l’habitation dans son ensemble impropre à sa destination (cf. arrêt attaqué, p. 5, §2)
Qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que ces travaux de rénovation, ayant consisté à poser du carrelage et des cloisons en placoplâtre sur une chape préexistante, revêtaient une importance telle qu’ils devaient être assimilés à des travaux de construction d’un ouvrage en bâtiment, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et 1792-1 du code civil. »
Ce n’est pas du tout sur ce terrain là que la Cour de cassation a choisi de répondre.
Elle vient préciser sa jurisprudence, très critiquée, entraînant l’application du régime de la responsabilité décennale pour les éléments dissociables ou indissociables de l’ouvrage et rendant celui-ci impropre à sa destination dans son ensemble.
La Cour indique, sans ambiguïté, s’agissant des éléments adjoints à l’existant, qu’ils ne pourront entraîner l’application du régime de la responsabilité civile décennale des constructeurs que lorsque les désordres trouvent leur siège dans un élément d’équipement destiné « à fonctionner » au sens de l’article 1792-3 du code civil, ce qui de facto, va entraîner l’exclusion de la jurisprudence précédemment citée pour les éléments d’équipement comme un carrelage, un faux – plafond… En revanche, elle continuera à s’appliquer pour un ballon d’eau chaude, une chaudière ou une pompe à chaleur…
Retrouvez la décision de la Cour de Cassation ici.